Après J’aime Hydro, pièce documentaire, exposant des points de vue opposés quant à un enjeu de société déterminant pour l’avenir du Québec, voici Run de lait qui nous ouvre les yeux sur le monde de l’industrie du lait québécois.
En 1980, à la naissance de l’auteur Justin Laramée, le Québec comptait 21 982 fermes laitières. Au moment de créer ce spectacle en mars 2022, il n’en restait que 4 766. Dur constat n’est-il pas ? Pourquoi le Québec a perdu la moitié́ de ses fermes laitières en vingt ans ? Derrière cela il y a la détresse des agriculteurs. Et ce taux de suicide élevé ?
Après une introduction très drôle (merci, Magali Lépine-Blondeau pour le clin d’œil), nous sommes pris au cœur avec un témoignage abordant la détresse des producteurs laitiers. Puis, petit à petit malgré le propos l’humour est là constant. Tant mieux, car la pièce divisée, en trois parties d’une durée de 2 heures, est ainsi digérable. Je comprends que le propos soit vaste, mais sans ces dialogues et cette autodérision, il y aurait une heure limite de péremption. En effet il passe tout au tordeur pour comprendre comme cette loi du marché appauvrit jour après jour les petites exploitations.
Si tout au bout de la chaine alimentaire il y a NOUS le consommateur à qui on met souvent l’épée Damoclès en nous disant achetez local, qui y a-t-il en amont ? Avons-nous réellement ce choix dans le lait actuellement ? C’est comme simple citoyen que l’auteur se pose tout un tas de questions, comme tout à chacun. Sauf qu’il a pu trouver des réponses en questionnant l’industrie, le ministère de l’Agriculture, les transformateurs, et j’en passe.


Un peu comme j’aime Hydro, car il est évident de vouloir faire le parallèle (il crève l’abcès en y faisant référence, ce qui est très intelligent de sa part), s’il pose des questions, il faut trouver un moyen d’incarner les personnes qui y répondent. Il y a sur scène avec lui le musicien Benoît Côté, qui lui fait quelques réparties, mais surtout une quinzaine de haut-parleurs, qui vont personnifier la personne que l’on entend parler. Ils les déplacent tout au long de la pièce ce qui nous fait comprendre qui est qui. Cette mise en scène originale rend un effet immédiat. Nous ne sommes jamais perdus, même lorsqu’il y a plusieurs intervenants.



Au final il lui aura pris 5 ans, pour monter ce spectacle. Mais loin de là l’idée de tirer à boulets rouges sur l’industrie. Chaque partie est mise face à ses contradictions, actes, sous couverts réguliers d’humour, jeux de mots, même si elle parle entre autres du scandale du lait diafiltré (le choc de ma soirée en terme de découverte), ou des veaux mâles qu’on abat presque systématiquement à la naissance, par exemple.
Sincèrement je souhaite autant de succès à Run de lait que ne le fut j’aime Hydro. Il n’a pas à dérougir de la comparaison. Moi en attendant je vais aller boire un petit café accompagné qui sait d’un nuage de lait, maintenant que je comprends mieux cette filière.
S’il reste peu de place au théâtre la licorne (tellement le bouche à oreille fonctionne vite) ou il est actuellement joué, la pièce se parcourra nos pas nos prairies, mais nos théâtres dans toute la province.
Crédit photos : Stéphane Bourgeois